samedi 26 mai 2012

Peu le savent, mais lors de la manifestation du 24 mai, j'ai vécu quelque chose avec un policier. J'étais là, toutes flamme dehors, à hurler ma colère, à scander mon désaccord parmi des centaines. Bien sûr, j'avais la chienne. J'avais lu tous les articles qui pullulent sur le web à propos de la violence des policiers, de la gratuité de leur coup de matraque - à défaut de celle scolaire- et des arrestations aléatoires. Je me voyais mal, tard dans la nuit, appeler.. je ne sais pas qui j'aurais appelé en fait.. pour venir me chercher au poste. Bref, je me sentais petite dans une foule qui elle, semblait pourtant sans crainte. On montait sur la rue Cartier, lentement mais sûrement, puisque devant nous, la rue St-Jean était bloquée par des voitures de police. Et évidemment des policiers debout, droits comme des glaçons qui pendouillent d'un toit de campagne. Le bout intéressant s'en vient. Je bifurquais sur Cartier quand je me suis mise à fixer un policier, immobile devant sa voiture qui bloquait la rue St-Jean. Il n'avait pas vraiment l'air plus vieux que moi, ni plus cave. Il devait se souvenir, lui aussi, du scandale des commandites. Peut-être l'avait-il mieux compris que moi, relativement jeune à cette époque-là. Il devait se souvenir, lui aussi, de la haine que ses parents avaient ressenti envers le parti libéral à ce moment-là. Il devait être tout sauf ignorant des taches béantes sur la réputation des libéraux. Et pourtant il empêchait la population de déborder alors que le temps est peut-être venu aux débordements. Peut-être que lui aussi, il avait envie de breaker in chez le premier ministre pour lui soutirer des informations, pour l'obliger à regarder la situation en face. Bref. Je le fixais et je me disais que peu importe ce qu'il pensait ou non, mon sort était entre ses mains, dans un sens. S'il le désirait, à l'instant même où je le fixais, il pouvait décider de m'arrêter, moi ou n'importe quel autre manifestants, pour entrave à la circulation ou quelque autre terme du genre. Mais non. Son regard a plongé dans le mien. Après un eye contact assez long, j'ai fait mon sourire le plus franc, le moins fake Beauty pagent, j'ai joint mes mains sur ma poitrine et j'ai baissé la tête. J'espérais que tous mon langage corporel lui communique ma reconnaissance, ma compréhension. Il m'a souri et a hoché la tête. L'air de dire: Continue, j'te laisse passer pis j'te comprends. Bref, ça ma fait de quoi. Une petite aventure, un très court idylle de compréhension entre les forces de l'ordre et Amélie R.

mardi 22 mai 2012

Je réfléchissais à mes rêves, tout à l'heure. J'en suis arrivée à la conclusion que je n'en ai pas. Pas que je n'ai pas de situation rêvée en tête, au contraire, mais plutôt que je ne formule pas de rêve précis, de goal, de peur d'être bafouée par la vie. Ou par moi, ça, ça reste à voir. Je ruminais mes espoirs amers, mes idées de grandeur dans ma tête de placard et j'ai repensé à quand j'étais plus jeune. Dans le hall d'entrée de mon école secondaire sont accrochés, tout le long du corridor principal, des toiles encadrées. Des dessins, des aquarelles, des collages. Des travaux réalisés par les élèves de l'école que la direction a jugé nécessaire d'encadrer parce qu'ils étaient remarquables. Toute mon enfance, à chaque fois que je devais aller à l'école secondaire, bien que trop jeune encore pour y suivre mes cours, j'étais subjuguée par les tableaux. Ils étaient beaux, ça oui. Mais ce qui m'interpellait, au-delà de leur beauté, c'était l'idée que quelqu'un avait eu la chance de voir son dessin choisi. Je ne rêvais pas grâce aux images, mais sur les créateurs de ces images, qui, chanceux, pouvaient se dire en temps gris que leur œuvre les rendait spéciaux parce qu'ils avaient été choisis. J'imaginais un élève au travail, penché sur ma feuille, avec le professeur qui passe derrière, jette un coup d'oeil à son gribouillage et s'exclame: Oh mon Dieu! C'est beau! On va l'accrocher en-bas dans le hall! Et cet élève me faisait verdir de jalousie. Ma meilleure amie était la fille d'une enseignante à cette école, je m'y rendais souvent. J'avais donc souvent le loisir de rêvasser sur les chanceux qui pouvaient se vanter d'avoir un dessin encadré dans le hall d'entrée de la polyvalente de Roberval. Avec le recul, je crois que je peux dire qu'un des nombreux rêves de la jeune Amélie R. 7-13 ans était d'un jour me sentir assez spéciale pour que quelqu'un choisisse mon dessin, l'encadre et l'accroche dans le hall d'entrée. Le plus proche possible de la porte par où tout le monde entre. Et pendant mes études secondaires, j'ai pris une multitude de cours d'art dans mes options. Et chaque fois, je me demandais si un jour l'enseignant allait s'exclamer et tellement se pâmer sur un dessin qu'il déciderait de l'encadrer. Après quelques années, je crois que j'ai compris que ça ne se passait pas comme ça. J'entretenais une excellente relation avec le prof d'art, peintre reconnu au Lac-St-Jean, et je me suis sentie assez à l'aise pour lui demander comment se faisait-il que personne ne dessine quelque chose d'assez beau pour que ça vaille la peine d'être encadré et installé au hall. Eh bien il m'a répondu que plusieurs travaux d'élèves méritaient cet honneur. À mon incrédulité, il a ajouté que ces élèves n'en avaient toutefois pas fait la demande. J'étais bouche-bée. L'étudiant devait le demander. Quelques secondes après, je l'ai demandé. Il m'a questionné: quel dessin j'avais en tête? Et je n'en avais pas. Comme il avait confiance en moi, il m'a donné la permission de laisser de côté le projet en cours et de commencer un autre dessin, peu importe de quoi il s'agirait. Il voulait que je fasse quelque chose que je voudrais voir honoré et il ferait en sorte que ça le soit. Et quelques mois plus tard, j'avais mon travail, un arbre étrange construit avec des découpes de feuille sur laquelle les autres élèves essuyaient leurs pinceaux pleins de peinture à l'acrylique, encadré dans le hall d'entrée serti d'une plaque dorée sur laquelle était gravé mon nom et l'année de réalisation de mon œuvre. Et tout à l'heure, en repensant à cette histoire, au plaisir que j'ai ressenti la première fois que j'ai vu mon dessin encadré, j'ai réalisé que, à l'instar d'Amélie R. 16 ans, je devrais faire en sorte que mes aspirations se réalisent à la place d'attendre que le succès me tombe dessus et que quelqu'un s'exclame que je dois réussir ma vie.

dimanche 13 mai 2012

Rarement, je mâche mes mots. Je préfère souvent les avaler tout rond. Depuis presqu’une semaine maintenant, la lettre traîne sur mon bureau de travail froid et incroyablement blanc. Une petite boule de noirceur camouflée dans une belle enveloppe, une merde enrubannée. Un refus poli et sans équivoque plié soigneusement en trois, glissé dans une enveloppe dont les rebords léchés se collent pour seller la missive : non. C'est écrasant de constater à quel point la politesse peut s'avérer cruelle, hautaine. Madame Amélie Richer. Probablement, ces dernières phrases n’ont aucun sens, sont incompréhensibles. Mais de quoi elle parle ? Tant mieux. Être compréhensible en tout temps, ça doit être épuisant. N'empêche, pour moi non plus, elles n’en ont pas, de sens. On dirait que mes espoirs s’en sont allés. Les rats quittent le navire avant que la carène ne se heurte aux sables mouvants des fonds et ne s’émiette. Je poétise un peu, ça relativise l’idée de ne pas savoir écrire et de ne rien valoir, ni même une première ovation.