Égaré entre les douces pensées qu’il entretient à son égard, leur passé rose et ce qu’il voudrait encore éprouver, il l’observe, le regard triste.
Assise au milieu des draps, sur le lit défait, Amélie ne le regarde pas.
Elle garde la tête baissée.
Le dos rond, elle se sert du mur comme dossier alors que son ordinateur, sur ses cuisses, aspire, monopolise d’une égoïste façon toute son attention. En fait, il lui sert de prétexte, de raison pour l’ignorer.
Et cela, il le sait.
Il s’arrête quelques secondes et prend le temps de la détailler, celle qui n’est plus la même.
Une étrangère avec qui il dort, nuits après nuits, c’est ce qu’il a sous les yeux. Une étrangère dont le dessous des pieds sale laisse tomber de la poussière fine sur les draps beiges. Elle n’y prête aucune attention. Étonnant.
Le regard du jeune homme remonte lentement et se pose, quelques secondes sur la pâleur des jambes nues, contraste avec le rouge vif du tatouage qui orne son mollet. Mollet dur, toujours gonflé malgré sa position, souvenir d’un passé de ballerine. Un peu plus haut, il réalise que ses sous-vêtements sont cachés par le long chandail rouge qu’elle porte. Il se demande même, un fugace instant, si elle en porte, des sous-vêtements.
Peu importe.
Ce trop grand chandail, il lui appartient. À lui. Un vieux vêtement à l’effigie d’un champion de lutte dont la carrière tombe en poussière, qu’elle aime porter. Qu’elle use matin et soir. Au moins, se réjouit-il, elle a encore envie de porter ce qui m’appartient. Encouragé, il ose faire quelques pas. Enfin, Amélie lève la tête et esquisse un sourire. Tendrement. Il a chaud, il sent l’humidité de ses aisselles. Encore, il se demande pourquoi le couple qu’il forme avec la petite femme devant lui se désagrège.
Amélie a déjà fui son regard.
Ses cheveux en bataille, plus très rouges, collent à son crâne et dévalent le long de sa petite mâchoire, presque ronde. Elle est concentrée, ses sourcils épars, négligés, sont froncés et créent un fossé profond entre ses yeux. Une belle ride en devenir. Puisqu’elle vieillira, en sa compagnie ou pas. Il s’amuse l’espace de quelques secondes à imaginer le résultat. Amélie Richer en vieille femme. Sa peau, pêche et lisse, perdra son éclat.
Son nez retroussé s’élargira peut-être. Tendre, il s’approche et s’assoit près d’elle. Elle soulève sa main inerte et la glisse sur la cuisse de celui avec qui elle partage sa vie, sinon son espace. Sans le regarder, elle lui dit qu’il est beau. Elle sourit enfin, pour elle-même.
S’écouter parler la fait rire.
Il la regarde. Encore. De profil, son nez est si retroussé, pointu. Elle dit toujours que son nez est dressé, toujours prêt à capter une odeur. Il s’y attarde. Comme elle sent son regard sur elle, elle manifeste de l’agacement, un petit geste agressif qui veut tout dire. Son regard bifurque alors sur la cuisine. Plutôt sur le four. Il luit. Elle l’a encore astiqué dans la journée, se dit-il, alors qu’un mouvement capte son attention ; le poisson nage frénétiquement dans son immense vase décoratif déposé près du four, sur le comptoir, lui aussi nettoyé de fond en comble la journée-même. Amélie, à ses côtés, soupire.
Libérée de son ordinateur, elle s’étend de tout son long, plutôt court, sur le lit. Alors qu’il en fait de même, elle en profite pour déposer sa tête sur sa jambe. Enfin prête à accepter sa présence, elle commence, d’un murmure, le récit de sa journée.
L’apprivoisement fait, et réussi, il se détend et l’écoute. Le débit augmente, le ton aussi. Il devient enfantin. Il se laisse aller dans le flot de ses paroles et caresse son cuir chevelu du bout des doigts. Il se sent bien.
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J'ai écrit ce petit texte pour un cours à l'université. Avec le recul, je me rend compte que quand on est willing à confier à nos prof d'université que ça va mal avec son chum, on a vraiment besoin de parler. Ou de mettre un terme à ce qui se passe.
J'ai choisi la deuxième option.
samedi 5 mars 2011
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