mardi 22 mai 2012
Je réfléchissais à mes rêves, tout à l'heure.
J'en suis arrivée à la conclusion que je n'en ai pas.
Pas que je n'ai pas de situation rêvée en tête, au contraire, mais plutôt que je ne formule pas de rêve précis, de goal, de peur d'être bafouée par la vie. Ou par moi, ça, ça reste à voir.
Je ruminais mes espoirs amers, mes idées de grandeur dans ma tête de placard et j'ai repensé à quand j'étais plus jeune.
Dans le hall d'entrée de mon école secondaire sont accrochés, tout le long du corridor principal, des toiles encadrées. Des dessins, des aquarelles, des collages. Des travaux réalisés par les élèves de l'école que la direction a jugé nécessaire d'encadrer parce qu'ils étaient remarquables.
Toute mon enfance, à chaque fois que je devais aller à l'école secondaire, bien que trop jeune encore pour y suivre mes cours, j'étais subjuguée par les tableaux. Ils étaient beaux, ça oui. Mais ce qui m'interpellait, au-delà de leur beauté, c'était l'idée que quelqu'un avait eu la chance de voir son dessin choisi. Je ne rêvais pas grâce aux images, mais sur les créateurs de ces images, qui, chanceux, pouvaient se dire en temps gris que leur œuvre les rendait spéciaux parce qu'ils avaient été choisis. J'imaginais un élève au travail, penché sur ma feuille, avec le professeur qui passe derrière, jette un coup d'oeil à son gribouillage et s'exclame: Oh mon Dieu! C'est beau! On va l'accrocher en-bas dans le hall! Et cet élève me faisait verdir de jalousie.
Ma meilleure amie était la fille d'une enseignante à cette école, je m'y rendais souvent. J'avais donc souvent le loisir de rêvasser sur les chanceux qui pouvaient se vanter d'avoir un dessin encadré dans le hall d'entrée de la polyvalente de Roberval.
Avec le recul, je crois que je peux dire qu'un des nombreux rêves de la jeune Amélie R. 7-13 ans était d'un jour me sentir assez spéciale pour que quelqu'un choisisse mon dessin, l'encadre et l'accroche dans le hall d'entrée. Le plus proche possible de la porte par où tout le monde entre.
Et pendant mes études secondaires, j'ai pris une multitude de cours d'art dans mes options. Et chaque fois, je me demandais si un jour l'enseignant allait s'exclamer et tellement se pâmer sur un dessin qu'il déciderait de l'encadrer.
Après quelques années, je crois que j'ai compris que ça ne se passait pas comme ça. J'entretenais une excellente relation avec le prof d'art, peintre reconnu au Lac-St-Jean, et je me suis sentie assez à l'aise pour lui demander comment se faisait-il que personne ne dessine quelque chose d'assez beau pour que ça vaille la peine d'être encadré et installé au hall. Eh bien il m'a répondu que plusieurs travaux d'élèves méritaient cet honneur. À mon incrédulité, il a ajouté que ces élèves n'en avaient toutefois pas fait la demande.
J'étais bouche-bée. L'étudiant devait le demander.
Quelques secondes après, je l'ai demandé.
Il m'a questionné: quel dessin j'avais en tête? Et je n'en avais pas. Comme il avait confiance en moi, il m'a donné la permission de laisser de côté le projet en cours et de commencer un autre dessin, peu importe de quoi il s'agirait. Il voulait que je fasse quelque chose que je voudrais voir honoré et il ferait en sorte que ça le soit. Et quelques mois plus tard, j'avais mon travail, un arbre étrange construit avec des découpes de feuille sur laquelle les autres élèves essuyaient leurs pinceaux pleins de peinture à l'acrylique, encadré dans le hall d'entrée serti d'une plaque dorée sur laquelle était gravé mon nom et l'année de réalisation de mon œuvre.
Et tout à l'heure, en repensant à cette histoire, au plaisir que j'ai ressenti la première fois que j'ai vu mon dessin encadré, j'ai réalisé que, à l'instar d'Amélie R. 16 ans, je devrais faire en sorte que mes aspirations se réalisent à la place d'attendre que le succès me tombe dessus et que quelqu'un s'exclame que je dois réussir ma vie.
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tu écris admirablement bien... tu décris bien.
RépondreSupprimertu es sensible, intérieur, joie et spontanéité.
merci