(Un texte écrit dans un de mes cours, pour lequel j'ai eu un très bon résultat. N'oubliez-pas de voir la fiction, s'il vous plaît)
Le prix de la liberté
Paul est seul, mais il s’en porte très bien. Sa femme l’a laissé il y a quelques semaines. Elle l’a quitté en amenant toutes ses affaires et celles de son fils. Son fils de onze mois qu’elle a également pris.
Leur vie était simple, sans être satisfaisante, loin de là. Paul finissait toujours tôt de travailler. Il était fonctionnaire, un emploi typique, morne. Il se levait chaque matin aux aurores et partait. Or, comme il commençait si tôt, dès le début de l’après-midi, il était de retour à la maison, après un léger détour à la garderie pour aller récupérer son fils, avec qui il passait l’après-midi entier. Sa femme, elle, venait d’acheter une boutique et la portait à bout de bras. Il va sans dire que son horaire n’était pas du tout flexible. Elle commençait tôt, quoi que moins que Paul, mais finissait rarement avant la tombée de la nuit. Après avoir passé la journée à travailler à sa coquette boutique, elle en faisait l’affreuse comptabilité de longues heures durant, le soir. Elle n’était jamais là. Et Paul s’en portait bien. Trop, même. Depuis longtemps essoufflée, leur relation battait de l’aile et comprimait Paul à une existence qu’il qualifiait de médiocre.
Début trentaine, il était un bel homme. Il ne savait pas vraiment ce qu’il faisait, ce qu’il aimait, mis à part lui-même. Toutefois, il savait parfaitement qu’il devait sortir de sa vie, de sa relation étouffante avec une femme qui ne l’attirait pas, et ne l’avait jamais réellement fait. Il avait longtemps cru être homosexuel, mais préférait sa vie rangée à une sortie du placard fracassante. Il n’avait eu aucune difficulté à se trouver une femme, il aurait pu en avoir deux, s’il l’avait voulu. Mais ce n’était pas le cas, il n’avait jamais vraiment porté attention aux femmes, ni à qui que ce soit d’autre, en fait. Maintenant, encore moins. Depuis la naissance de Tristan, prénom qu’il trouvait ridicule, sa vie avait changé. Quelques semaines après l’arrivée du poupon, Paul avait perçu des changements, comme si soudain il savait pourquoi il existait, comme si sa vigueur, sa bestialité d’humain le rattrapait.
Au contact du poupon, il sentait des pulsions l’envahir. Il avait attribué ces changements à la paternité, peut-être le fait d’avoir donné la vie le faisait-il renaître? Il se rendit vite compte que non. Lorsqu’il changeait la couche de
Tristan, il se laissait prendre au jeu, qu’il trouvait envoûtant. Il se prenait à observer, parfois à effleurer, chaque parcelle du petit être misérablement vulnérable devant lui. Il y avait quelque chose d’attirant, d’érotique, ce bébé. Les bébés en général, réalisait-il. Au moment du bain, Paul lâchait parfois Tristan. Il le laissait gigoter dans les quelques centimètres d’eau, sur le ventre, à peine quelques secondes. Rien de bien risqué. Il aimait sentir toute la vulnérabilité de l’enfant, le voir agiter ses jambes et remuer ses bras pour se renverser sur le dos, sans succès. La candeur du regard, le rose de la peau, les rondeurs des fesses, la mollesse du corps, l’absence de défense, tout sur ce bébé l’envoûtait, l’excitait.
Il le couchait nu sur le ventre à la moindre occasion, et l’observait gigoter, les pieds en l’air, les cuisses dodues, les fesses entrouvertes. Il en tirait parfois des érections honteuses, au début. À tous coups, par la suite. Plus le temps passait, plus les expérimentations gagnaient en fréquence, en importance. Paul ne vivait plus que pour expérimenter sur son désir envers l’enfant.
Ce jour-là, sa femme était arrivée tôt, heureuse de retrouver tôt son mari et son jeune bébé, mais surtout de s’être éclipsée de son quotidien commercial et essoufflant. Alors qu’elle entrait dans la maison, sans se poser de questions, son regard se riva sur l’immense sofa du salon. Un sofa de velours noir que Paul adorait. Justement, il y était étendu. Il était complètement nu, en érection, et il tenait son fils debout, nu également, d’une main. Il fallu quelques secondes avant qu’il ne s’aperçoive que sa femme venait d’entrer. Toute son attention était aspirée, monopolisée, par le bébé qui chignait, le visage crispé dans un sanglot de l’effort qu’il devait faire pour rester debout, à peine retenu par son père. Il gesticulait beaucoup. Le cri qu’elle poussa, un hurlement presque primitif, empreint de douleur, fit violemment sursauter Paul. Il en laissa tomber l’enfant, qui s’effondra par terre. Cloué au sol, démasqué par sa nudité et sa palpable excitation, Paul perdit le souffle. Le vacarme de sa femme qui criait, qui tempêtait, les pleurs de Tristan, parsemés de violents hoquets, s’élevait et étouffait Paul. Il se leva, tout son sang affluait à son visage. Sans regarder sa femme, il ramassa ses vêtements qui jonchaient le sol, tout près de l’enfant qui criait toujours, et sortit du salon. Il savait que c’était fini.
Lorsqu’il rentra chez lui, plusieurs heures plus tard, toutes les lumières étaient fermées. Il en alluma une et vit que sa maison avait changé, il manquait plusieurs choses. Son beau sofa avait été lacéré, un des couteaux à viande traînait par terre. Il monta lentement à l’étage, sa chambre était presque vide. Celle de Tristan aussi.
Il comprit que sa femme était partie, avec l’enfant. Lourd, il déambulait dans la maison. Il attendait la police. Bien sûr, il connaissait les lois. Il comprenait ce que sa femme avait vu. Elle le dénoncerait.
Paul attend toujours aujourd’hui, mais il a comprit qu’elle ne le ferait pas. Abusée par son père très jeune, sa femme se mettait dans tous ses états lorsqu’il était question de sexualité, surtout lorsque des pédophiles faisaient les manchettes. Elle ne voulait pas en entendre parler, pleurait parfois, et surtout, ne parlait pas de ces choses-là. Jamais elle ne dirait qu’elle avait fait un enfant à un homme qui est attiré par eux, qu’elle avait vécu avec cet homme et qu’elle l’avait aimé, bien qu’elle ne l’avait pas été en retour. Et Paul s’en porte mieux, il réalise peu à peu à quel point il est libre. S’il avait su plus tôt que le prix de la liberté était d’être pris sur le fait, il en aurait profité davantage.
lundi 13 décembre 2010
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Je ne sais pas ce qui est le plus dégoûtant : le beurre d'arachides et le chien dans le texte du gars en avant, ou le bébé nu qui gigote et qui excite le père...
RépondreSupprimerBon texte, surprenant, dont la fin est très intéressante! :)
Bonnes vacances (ou fin de session, si tu n'as pas terminé) !