lundi 7 mars 2011

Crazy carpet.

Ahhh Coeur de Pirate, Camus, Gide, Gaga, Céline.

J’ai tellement d’amour à donner ces temps-ci.
D’amour public et sincère.
Je mâche mes mots, en tournant ma langue au moins 10 fois dans une bouche, mais ça reste.
Il va falloir que ça sorte éventuellement, que je come out et que je l’assume.

Mais en attendant, je me cache dans mon terrier mauve et blanc un soir sur deux, et je réinvente la vie à coups de coudes et de dents.
De griffes aussi.

Ma vie déboule les marches, mais elle a une crazy carpet.
Je sens à peine le nez des marches sous mes fesses, ça fait presque pas mal, mais ça va vite et ça slide droit en tah.

samedi 5 mars 2011

Mon ami Rodrigue

Rodrigue Pelletier sent le bois dense du comptoir contre sa hanche.
Un comptoir dont la saleté tache ses chemises, sur lequel trône une caisse enregistreuse désuète où l’argent s’épuise. Fils du propriétaire du dépanneur de Joliette, il occupe, grâce à la pitié avouée de son vieux père, le poste de caissier.
De pompiste également, depuis peu, mais il n’a pas l’intention que ça dure.

D’où il se tient, il observe goulument la vie qui se déploie devant le pitoyable établissement. Une vie de quartier qui se flétrit, il le voit bien, qui perd des plumes au fur et à mesure que la société se développe et que de nouveaux commerces, plus beaux, plus chic, moins cheap, poussent comme du chiendent.
Sa vie, il la regarde à l’oblique. Comme il est constamment appuyé sur sa jambe plus courte, les pans de sa chemise sale de pompiste pendent dans le vide, rigides d’huile sèche et de crasse croûtée. Il sent le gras des quelques cheveux qui lui restent, étrangement jaunes sous les néons qui crépitent au plafond. Il se fond dans le décor. Un décor de mélamine sale, de gris et de jaune ayant remplacé le blanc, de présentoirs de sacs de bonbons durs qui lui font mal aux dents et d’odeur de métal dans lequel lui, Rodrigue, se sent bien.

***

Il fait crissement beau, aujourd’hui. Vraiment. J’aime ça, quand l’soleil se reflète sur les chars qui sont dans la cour du dépanneur. Ça sent l’asphalte chaud quand j’vais tanker les chars des clients. Avec une température de-même, les clients sont de bonne humeur. Ils tipent pis ils font remplir leur char de gaz sans chigner. Pas aujourd’hui, faut croire. Encore un client qui sacre son camp ! Un beau U-turn dans l’stationnement pis il décampe, dans son gros char d’avocat. La clientèle est pas fidèle ben ben, de nos jours. On a beau leur faire crédit, leur laver le windshield, tout le monde se pousse.
Tiens, encore la folle à Sonia Tremblay qui quête dans l’parc d’en face avec son kid. Toujours devant l’curé, comme si y’allait lui en donner, des cennes. Elle a beau faire la fière, moi au moins j’travaille pour de vrai. Pas comme son imbécile de locataire. Un locataire! Faut ben prendre le monde pour des caves, on le sait tous qu’il couche avec. Elle fait encore comme si elle ne me voyait pas. Toujours de-même quand elle joue avec son p’tit Mike, mais le flot lui, je le vois bien qu’il me voit. Surtout quand je lui montre une kit-kat par la fenêtre du dépanneur. Ah ben ça, il le voit en maudit. Comme si j’étais une mauvaise influence pour c’t’enfant-là. J’voulais juste l’amuser, la dernière fois.

Encore le taxi de Martin! Ça doit ben faire une bonne heure qu’il est là. J’espère qu’il vient pas me quêter de l’argent encore. J’ai vomi sur sa banquette une fois, j’lui dois pas ma vie. Vingt piass pis on en parle pus, calvaire! Y’a un beau char quand même, le chanceux de Martin. Il s’est bien placé les pieds, chauffeur de taxi, ça paye à ce qu’il paraît. J’devrais aller lui demander s’ils cherchent du monde, ses boss. J’pourrais m’pousser de la job pis laisser mon vieux faire ses propres affaires.


***
Lorsque les doigts de Rodrigue poussèrent la porte de verre, la glorieuse clochette pendue au-dessus de la porte l’agaça. Il en serra les dents. Le vacarme l’assomma aussitôt, comme une violente claque au visage. Un vacarme d’accident, de voiture compacte qui s’enfonce dans un camion. Étourdi, il sentit la chaleur de l’asphalte rugueuse sous ses paumes. Il sacra.

L'apprivoisement

Égaré entre les douces pensées qu’il entretient à son égard, leur passé rose et ce qu’il voudrait encore éprouver, il l’observe, le regard triste.

Assise au milieu des draps, sur le lit défait, Amélie ne le regarde pas.
Elle garde la tête baissée.
Le dos rond, elle se sert du mur comme dossier alors que son ordinateur, sur ses cuisses, aspire, monopolise d’une égoïste façon toute son attention. En fait, il lui sert de prétexte, de raison pour l’ignorer.
Et cela, il le sait.
Il s’arrête quelques secondes et prend le temps de la détailler, celle qui n’est plus la même.
Une étrangère avec qui il dort, nuits après nuits, c’est ce qu’il a sous les yeux. Une étrangère dont le dessous des pieds sale laisse tomber de la poussière fine sur les draps beiges. Elle n’y prête aucune attention. Étonnant.
Le regard du jeune homme remonte lentement et se pose, quelques secondes sur la pâleur des jambes nues, contraste avec le rouge vif du tatouage qui orne son mollet. Mollet dur, toujours gonflé malgré sa position, souvenir d’un passé de ballerine. Un peu plus haut, il réalise que ses sous-vêtements sont cachés par le long chandail rouge qu’elle porte. Il se demande même, un fugace instant, si elle en porte, des sous-vêtements.
Peu importe.
Ce trop grand chandail, il lui appartient. À lui. Un vieux vêtement à l’effigie d’un champion de lutte dont la carrière tombe en poussière, qu’elle aime porter. Qu’elle use matin et soir. Au moins, se réjouit-il, elle a encore envie de porter ce qui m’appartient. Encouragé, il ose faire quelques pas. Enfin, Amélie lève la tête et esquisse un sourire. Tendrement. Il a chaud, il sent l’humidité de ses aisselles. Encore, il se demande pourquoi le couple qu’il forme avec la petite femme devant lui se désagrège.

Amélie a déjà fui son regard.
Ses cheveux en bataille, plus très rouges, collent à son crâne et dévalent le long de sa petite mâchoire, presque ronde. Elle est concentrée, ses sourcils épars, négligés, sont froncés et créent un fossé profond entre ses yeux. Une belle ride en devenir. Puisqu’elle vieillira, en sa compagnie ou pas. Il s’amuse l’espace de quelques secondes à imaginer le résultat. Amélie Richer en vieille femme. Sa peau, pêche et lisse, perdra son éclat.
Son nez retroussé s’élargira peut-être. Tendre, il s’approche et s’assoit près d’elle. Elle soulève sa main inerte et la glisse sur la cuisse de celui avec qui elle partage sa vie, sinon son espace. Sans le regarder, elle lui dit qu’il est beau. Elle sourit enfin, pour elle-même.
S’écouter parler la fait rire.
Il la regarde. Encore. De profil, son nez est si retroussé, pointu. Elle dit toujours que son nez est dressé, toujours prêt à capter une odeur. Il s’y attarde. Comme elle sent son regard sur elle, elle manifeste de l’agacement, un petit geste agressif qui veut tout dire. Son regard bifurque alors sur la cuisine. Plutôt sur le four. Il luit. Elle l’a encore astiqué dans la journée, se dit-il, alors qu’un mouvement capte son attention ; le poisson nage frénétiquement dans son immense vase décoratif déposé près du four, sur le comptoir, lui aussi nettoyé de fond en comble la journée-même. Amélie, à ses côtés, soupire.

Libérée de son ordinateur, elle s’étend de tout son long, plutôt court, sur le lit. Alors qu’il en fait de même, elle en profite pour déposer sa tête sur sa jambe. Enfin prête à accepter sa présence, elle commence, d’un murmure, le récit de sa journée.

L’apprivoisement fait, et réussi, il se détend et l’écoute. Le débit augmente, le ton aussi. Il devient enfantin. Il se laisse aller dans le flot de ses paroles et caresse son cuir chevelu du bout des doigts. Il se sent bien.

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J'ai écrit ce petit texte pour un cours à l'université. Avec le recul, je me rend compte que quand on est willing à confier à nos prof d'université que ça va mal avec son chum, on a vraiment besoin de parler. Ou de mettre un terme à ce qui se passe.
J'ai choisi la deuxième option.
Un vert de gris étrangle l’herbe longue,
Une odeur de poussière, salement, le surplombe.
Le brouillard pue la houille et encrasse les yeux
De sa salive de gueu.
Les arbres s’étouffent dans leur écho,
Qui se répercute.
Un bruit de pas
Un crissement sur le sol froid.
Une bouche qui marche,
Des dents qui se choquent, qui coulent.
Qui suivent les pas de la houle.

Love Raton

O mains fortes planches de pin,
Longue à faire peur.
O bras souples, duveteux et bruns
Brun pain doré. Brun italien.
O doigts manicottis au Ricotta
Ongles de chair et de fer.
O épaules de Fibres,
Soyeuses et roulées.
Torse mou et chaud,
Sac de riz.

Poisson aux écailles creuses.
O hanches noueuses,
Perdues dans la brume
De pantalons pellicule de plastique.
O corps envahissant
Lumière floue de grands chemins
Béguin amer de sushis frais
Et de chemises courtes.
Bouche poire, chair tendre.
Dents cassées coquille d’œuf
à la coq.

ta gueule.

Perso-nne ne m’écou-te.

& de toute façon, je ne veux rien dire.

Quoi que j’ai envie de divulguer certaines choses, d’en crier d’autres- d'ailleurs, je brûle, que dis-je, je me consume de mettre ma vie au clair, de clarifier TOUT, parce que tout ne l'est pas, loin de là- mais je ne trouve que des oreilles fermées, mal-formées ou pleines de cire.

De cire de vie. Parce que tout le monde a une vie, aussi. Pas juste moi avec ma petite rupture, mon petit déménagement, ma petite mélancolie et ma petite (grosse, obèse) insécurité de fille qui se sent dédoublée. après Mrs Smith, Mrs Richer.

C’est parfaitement compréhensible que les gens aient des choses à raconter, et que je me sente égoïste de faire piétiner la conversation sur mes petits problèmes quand leur vie rebondie à un rythme fou.



Je voudrais dénicher un aveugle, un mendiant, une personne abandonnée, stationnée dans un foyer pour personnes âgées, quelqu’un qui n’aurait rien à raconter, ou qui aurait tout à entendre. Quelqu’un qui n’attendrait pas que j’ai enfin fini mon idée pour me parler d’autre chose. Même si cette autre dite chose est beaucoup plus pertinente.

Pertinence.
Justement. Est-ce que c’est pertinent de se questionner sur la pertinence de soi-même?
De se dire que ses petits malheurs seraient des joies immenses pour d’autres.
Je mange, j’ai tous mes membres, j’ai droit au respect. Je pourrais fermer ma gueule.


Bah, c’est déjà ça que je fais.