mardi 11 décembre 2012

La danse

Il l’a encore fait. Encore. Toujours. C’est le vin rouge qui lui endiable le corps. Il a pris la faille dans mon esprit pour y glisser sa langue et nourrir le doute cruel et persistant. J’allais partir et, pour me dire au revoir, il a amorcé le geste de me serrer contre lui. Jusque-là, rien de mal. Les amis s’étreignent. Il a ouvert les bras lentement, a penché la tête. M’a souri. Ce sourire. Mon corps s’est blotti contre lui, d’instinct. Nos corps ont pris leur temps, ont vibrés quelques tempos de trop. Puis il m’a caressé le dos puis m’a pris la main puis je me suis sentie tomber dans la merde. Son visage valsait près du mien, prêt à franchir le seuil de l’acceptable, le millimètre du bien. Le millimètre, c’est la distance où les corps sont en suspens, prêts, désireux, libidineux. C’est l’espace entre nos lèvres avant que tout ne fusionne et se perde en virevoltes. Sa barbe picotait ma joue, dansait un tango contre mon épiderme. Son souffle froid et houblonné m’enivrait, me faisait vriller les jambes. Le désir dansait avec mes méninges, avec ma rationalité, faisait la ronde avec mes valeurs. Tout son être me quémandait, pour une fois encore, de m’élancer de tous mes muscles et de sauter la clôture de béton armé qui se dressait autour de moi. Trouée. Et moi, lovée contre lui, j’ai pris ma perche, me suis élancée et j’ai sauté. J’ai atterri sur ses lèvres douces et piquantes de barbe d’homme. J’ai tâtonné de la langue sur ses dents, pris le temps de les compter. J’ai serré la main de sa luette, lui ai présenté la mienne. Nous nous sommes dansés dans la bouche quelques temps. À la vue de tous, illégalement. On s’en foutait. Puis une voiture a klaxonné. Quelqu’un a crié. Nos corps se sont déchirés et j’ai ouvert les yeux, étourdie.

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