jeudi 1 janvier 2009

Histoire d'Araignée



Je suis sensible.

Ce matin, ou plutôt cet après-midi, je me suis levée, le visage tout barbouillé de mascara.
Hier soir, me démaquiller était le dernier de mes soucis.

J'ai donc orienté mon début de journée vers la salle de bain de mon sous-sol Robervalois, pour prendre une douche.

La salle de bain en question est minuscule, désuète, totalement artisanale, la décoration et quelques rénovations étant réalisées par mon artisane de mère et , comme toute bonne pièce de sous-sol, elle grouille de vie.

La douche est également un bain, ce qui est assez fréquent.

Donc, j'enlève rapidement mon pyjama, le dépose négligemment sur le sol et ouvre la douche.

Étant étrange, je met le bouchon du bain, même si je prends une douche.

Le fait est que l'eau qui s'accumule dans le fond du bain devient vite tiède, voir froide et monte lentement, alors que l'eau chaude de la douche me coule sur le dos..
J'adore ça.

Ça me donne l'impression de marcher dans un lac froid, en pleine nuit.
Oui, parce que la fenêtre, qui donne dans la douche d'ailleurs, est obstruée par les plantes grimpantes que ma mère a plantées un peu partout autour de la maison, puisqu'en plus d'être ''décoratrice'', ma mère est jardinière.

Alors, j'ai de l'eau froide jusqu'aux chevilles, dans l'obscurité, avec de l'eau chaude qui m'échauffe la peau.

Et je chante, non je fredonne.

Enlever du mascara sans démaquillant n'est pas une mince tâche.

Alors moi, concentrée, je ne remarque pas l'énorme araignée marron qui s'approche, sur le bord du bain.

Je continue de frotter mes pauvres yeux, et à larmoyer, en raison du savon que je met délibérément dans ceux-ci.. pour enlever mon involontaire masque de raton laveur.

La grosse bestiole, visiblement enceinte de par son abdomen gonflé d'oeufs, gambade toujours près de moi, sur le bord du bain, alors que je n'en vois rien.

L'eau monte et j'adore ça.
Il n'en faut pas plus pour que je m'imagine marchant dans le lac, bravant sa température, quand j'avais une douzaine d'années, à mon chalet.


C'est approximativement à ce moment que tout se produit.
Mes cernes de mascara effacés, je me met en tête de laver celle-ci..
Je tend alors la main vers la bouteille de Shampoing, qui se trouve.. devinez où..
Sur le bord du bain, soit le terrain de jeux de la géante bestiole engrossée.

Tout moment est propice au malheur.
L'araignée, et sa future progéniture, avait eu la brillante idée d'escalader ma bouteille de Fructis.. au moment même où me vient l'idée de la saisir.

Comble de malheur, ma main se pose sur la bouteille à l'endroit même où se trouve, non pas le petit être vivant, mais bien une énorme coulisse de shampoing, qui sent les fruits d'ailleurs.

La peau humaine étant ce qu'elle est, la bouteille me glisse des mains, et tombe dans le bain, rempli d'eau tiède.

On parle ici d'un élément déclencheur.

Dans sa chute vers l'eau froide, la bouteille entraîne également la bestiole.

Alors moi, ramassant ma bouteille, remarque cette dernière, se débattant vigoureusement de ses huit longues pattes vers la surface.

Drame.

J'aperçois cette petite chose foncée tout près de ma cheville, qui bouge trop rapidement et qui se débat furieusement.

La réaction:

Serrement de cœur, yeux ronds et battement cardiaque accéléré.

On ne parle aucunement de peur irrationnelle envers un maillon de la chaîne alimentaire.
j'aime plutôt les araignées.

Mais cette pauvre bestiole mourrait sous mes yeux.
La mort.
Est-ce que les araignées ressentent la peur de mourir, la panique des derniers instants de vie, l'angoisse de la mort?
Peu importe.
Je ne le saurais jamais et, de tout façons, je présume que oui.

Cette araignée n'allait tout de même pas trépasser sous ma surveillance!

Début d'une lutte pour sa survie,l'eau et le courant étant ce qu'ils sont, chaque fois que je plonge ma main dans l'eau tiède pour lui porter secours, elle s'éloigne.
Tous les objets à ma portée peuvent servir de bouée.
Après avoir éliminé le porte-savon, la bouteille assassine, et une malheureuse brosse à dents, j'ai la brillante idée d'utiliser un porte brosse à dents.
Objet cylindrique vide qui ressemble à un verre trop long et stupidement étroit.

Succès!.

J'arrive à pousser le petit corps, maintenant inerte, de l'araignée dans l'objet et j'en évacue l'eau.

Imaginez la scène: La douche coule toujours, je suis hors du bain,complètement trempée, mes cheveux dégouttent et éclaboussent le plancher, le savon me dégouline dessus, et moi, je tente de déposer le petit cadavre sur une substance qui serait propice à absorber l'eau qui l'enveloppe et l'englue, puisque je nie l'évidence.

Mon pyjama, lancé sur le carrelage.

Évidence simple, l'araignée est morte, les pattes recroquevillées sur elle-même et inerte.

En résumé, une araignée s'est noyée dans mon bain ce matin.

Dire que cela m'a attristé est faux, et serait d'ailleurs un peu stupide.

Mais j'ai ressentie une légère déception.

Est-ce que je suis trop sensible?



Peut-être.
Peut-être pas.




Après tout, ne sommes-nous pas tous l'araignée de quelqu'un, soit une chose qui semble sans importance et ne méritant pas de respect, alors que c'est tout le contraire.


(L'odeur des produits Fructis m'obsède les narines.)

4 commentaires:

  1. Amélie le dernier paragraphe la ta parfaitement raison :)

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  2. alors bon... moi je dois dire, premierement, que les araignés, je deteste ca (tu a mentionné la peur irrationnellle plus haut...bein c ca)

    deuxiemement, faut croire que tu est vraiment bonne de pouvoir trouver un paragraphe philosophique sur la noyade d'un araigné dans ton bain... bravo


    BRrrrr un araigné :P

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  3. Alors là, chapeau! De un, un araignée dans ton bain... Ma réaction: Sauve qui peut! (QUoi !? ON a tous nos craintes dans la vie! Non !?)
    De deux, dire que tu es trop sensible; je ne crois pas... La mort est un sujet très délicat à abordé, mais qui mérite tout de même sa place. Un monde ne serait pas un monde sans des naissances et des décès.. Que ce soit une araignée ou personne chère...

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