jeudi 22 janvier 2009

Mise au pas.



L’église.

Après une longue journée de cégep, je descends de l’autobus, devant l’église Sainte-
Monique.

Et je la trouve, ma foi, tellement belle!

À peine ai-je sorti, que dis-je !, sauté hors d’un 87, le vent nordique de janvier me fouette brutalement le visage, la neige s’infiltre sournoisement dans toutes les ouvertures possibles de mes vêtements, la neige tombée au sol amoindrit mon équilibre, déjà altéré par le choix inconscient de porter des bottes à talons hauts l’hiver, et, finalement, mais ô combien non moindrement, le froid ambiant me glace littéralement le sang.

Le sang, mais non l’esprit.

Je prends toujours quelques secondes pour regarder l’église.

Ou plutôt l’ensemble.

La cours, avec ses grands arbres nus et émaciés; les grands vitraux colorés percés par la lumière qui verdissent le ciel, précocement noir, les pierres qui en composent les murs, que dis-je, l’armure…

J’adore le quartier où je demeure. Tout y est beau. Même les vieux restaurants défraîchis qui assument leur âge et leur qualité affaiblie avec résignation.

Mais surtout l’église.

Pour me rendre chez moi, je dois traverser le stationnement de l’église et fouler la neige, puisque personne ne se sent concerné par la tâche du déneigement de cet endroit.

Le vent continue de me battre atrocement et je dois courber l’échine pour avancer.

Et c’est immanquable,

Lorsque je me retourne pour regarder une dernière fois le derrière de l’église, je retombe aussitôt à ma toute première session, dans mon cours de fondements de l’art, j’identifie le transept, et je me dis que la forme de croix latine de l’église représente le corps du Christ sur la croix. Je me remémore alors la matière que j’ai apprise dans cette salle de classe, l’ambiance des premiers cours, ma rencontre avec Debbie, Yolaine, mes premiers papillons d’estomac pour Greg, l’apprivoisement, ô combien difficile mais bénéfique, de Mathieu, mes premières paroles assez tardives à Steph, et tous pleins de souvenirs qui me colorent la tête.

Et c’est parti!

Mon esprit s’égare et réalise une multitude de choses.

Il monte.

Et moi je marche.

Il crée des personnages de romans plus farfelus les uns que les autres, leur
attribue des caractéristiques inavouables, leur place des mots vindicatifs dans la bouche et parfois leur crée un passé déchirant pour rendre le tout plus croustillant.

Il compose parfois des chansons et monte.

Il unit des personnes qui me sont chères, crée des couples et monte.

Il échafaude des nouvelles littéraires et recherche des fins des plus surprenantes.

Il élabore des scénarios amoureux houleux, et s’échine à les placer dans un agenda mental rigoureux et continue sa montée.

Il tente, et je dis bien tente, de démystifier le secret du mystérieux brun ténébreux qui me fixait dans l’autobus, en lui inventant un passé déstructuré et
torturé qui pourrait justifier cette attitude étrange, et monte.

Il rédige souvent les premières lignes d’un éventuel article à paraître sur cette page, et monte toujours.

Il peste intensément contre la température inclémente qui s’abat sur sa
propriétaire, et continue de monter.

Il pense, repense, monte, démonte, écrit, efface, mémorise, oublie, tente d’oublier, aime, s’apitoie…

Il réalise à quel point…mais intempestivement, son ascension interminable est brutalement et douloureusement freinée.

En effet, la puissante griffe glaciale de l’hiver, et de ses contraintes, agrippe méchamment, par le fond de culotte, mon esprit dans son insouciante montée vers Dieu seul sait où. Elle l’empoigne avec une telle force et le ramène aussitôt, sans possibilité de négociations aucunes, vers la terre ferme et ses difficultés.

-Hors de question de poursuivre tes élucubrations, fille!, dit-elle.

-Mais...Je... Heu…

-Non! Pas de discussion! Les talons des bottes loufoques de ta propriétaire
s’enfoncent dans ma neige à chaque pas, mon vent chargé de glace lui arrache la peau, que le froid dessèche, ses cils se collent et réduisent encore plus sa vision et la glace que j’ai amoureusement planquée sous ma neige fait glisser, et blasphémer, Amélie. Pauvre fille! Elle avance à peine, et son chemin est long. Tu ne crois pas que tu devrais l’aider un tant soit peu?

- …

- Allez! Redescends, réintègre la tête de ta propriétaire et fournis-lui la concentration nécessaire pour ne pas se fouler une cheville dans mes intempéries!

……

J’ignore pourquoi, mais parfois, j’ai un regain d’énergie, et je brave le froid plus
rapidement.

Je ne comprendrai jamais les mystères de mon esprit.


En autant que je rentre chez moi saine et sauve!

2 commentaires:

  1. Alors si ca ne te dérange pas trop, puisque je suis fatigué d'un vendredi plutot chargé, je ne dirai qu'un court commentaire, mais un dont la véracité ne peut etre mise en doute...

    C'est tres beau :)


    PS: je sais ce n'est pas le meilleur commentaire mais au moins il est '' short and sweet '' comme on le dit en anglais :P

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  2. Encore un bel article qui me fait sourire! Ca prouve que tu as l'esprit qui vagabonde sur tout et rien :) À mon grand plaisir!!

    Jtaimee Amélie! xxx (Merci)

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